Journal des Arts et Métiers
Interview: Yves Hulmann, plate-forme d’information financière www.allnews.ch

La session de printemps des Journées de la prévoyance s’est déroulée début mai à Montreux. La manifestation a réuni quelque 300 professionnels du deuxième pilier. L’occasion de faire le point sur cet événement avec David Pittet, directeur général de Pittet Associés à Genève, la société qui co-organise avec PwC les Journées de la prévoyance. Vous êtes en contact régulier avec l’ensemble des acteurs de la prévoyance professionnelle en Suisse romande. Quelles sont leurs principales préoccupations actuellement?

Il est toujours difficile de parler à la place des professionnels de la branche, car les préoccupations varient d’une institution à une autre. Globalement, le faible niveau des taux d’intérêt reste une préoccupation importante. Tant que les bourses font ce qu’elles font depuis le début de cette année, on peut oublier un peu les taux. Néanmoins, les problèmes de fond restent les mêmes: à court terme, les choses vont plutôt bien grâce à la bonne tenue des marchés des actions. A plus long terme, le faible niveau des taux, l’évolution démographique, etc. restent des enjeux clés majeurs.

Les acteurs de la prévoyance recherchent-ils plus souvent des alternatives aux placements en actions et obligations que par le passé? Il n’y a pas de révolution copernicienne en matière de placement de prévoyance, les choses évoluent lentement.

Les caisses de pension recherchent bien sûr toujours des moyens de compléter leur allocation de base avec d’autres instruments de placement, comme l’immobilier ou les marchés privés. En matière de placements immobiliers, la «poule aux oeufs d’or» atteint peu à peu ses limites. Et les marchés privés, qui ne sont pas forcément accessibles à toutes les caisses de pensions en raison de leur complexité, ne peuvent pas non plus remplacer les portefeuilles obligataires. Qu’en est-il des possibilités d’accroître les placements dans le capital-investissement ou le capital-risque – les limites étant jugées trop contraignantes par certains acteurs de la prévoyance?

C’est un faux débat de mon point de vue. En réalité, les règles sont déjà très souples dans ce domaine, puisque les caisses de pensions ont déjà la possibilité d’étendre les limites de placement et de bénéficier de règles plus souples pour investir davantage dans le private equity ou le capital-risque si elles le souhaitent. Du reste, beaucoup de caisses de pensions investissent aussi en dessous des limites permises dans ce segment. Les difficultés d’investir dans le capital-risque sont davantage liées aux ressources et à la gouvernance qu’elles exigent, aux tarifs parfois prohibitifs, aux problèmes de liquidité ou encore à l’absence de véhicule de placement adéquat. Cette histoire de «limites de placement» excite beaucoup les politiciens mais, dans la réalité, le régime en place est déjà très libéral. Côté actualité, il y a passablement d’attention en ce moment autour de la situation de certaines caisses publiques en Suisse romande. Pourquoi?

Les problèmes de fond – taux de couverture, rendements attendus, rapport démographique, etc. – sont toujours d’actualité et n’ont pas beaucoup évolué. A Genève, le débat perdure au sujet de la Caisse de prévoyance de l’Etat de Genève, notamment en raison de la prochaine votation. A ce sujet, les propositions de «solutions» apportées à ce jour créent autant de nouveaux problèmes qu’elles n’en résolvent.

A Fribourg, il y a aussi eu plus d’attention au sujet de la Caisse de prévoyance du personnel de l’Etat de Fribourg lors des récentes manifestations. Pour autant, il ne faut pas oublier que la plupart des caisses de pensions publiques ont été assainies, et souvent renflouées par les caisses de l’Etat, dans l’ensemble de la Suisse. Ce n’est pas un problème spécifiquement romand. La Confédération, par exemple, a injecté près de 30 milliards de francs pour renflouer des caisses de pensions au cours des dernières décennies.

Compte tenu de la volatilité accrue observée depuis 2018, les caisses de pensions recourent-elles à nouveau davantage à des instruments de couverture? Le problème du hedging est qu’il coûte extrêmement cher. Il n’y a pas de solution miracle pour réduire les risques de placement.

LA SUISSE VA PROBABLEMENT SUIVRE LE MOUVEMENT DE LA DURABILITÉ, COMME SOUVENT, AVEC UN PEU DE RETARD.

Il est beaucoup question de durabilité actuellement. Les caisses de pensions ont-elles beaucoup évolué sur ce plan récemment? Il y a beaucoup de réflexions et de développements en lien avec la question de la durabilité chez les professionnels de la prévoyance depuis quelques années déjà. La tenue de la COP 21 et les Accords de Paris signés en 2015 ont fortement contribué à accélérer le mouvement sur ce plan au niveau européen, avec un développement normatif important et rapide dans ce domaine. La Suisse va probablement suivre le mouvement, comme souvent, avec un peu de retard.

Les caisses de pensions exercentelles maintenant davantage leurs droits de vote lors des assemblées générales?

Cet aspect a été beaucoup traité dans les années qui sont suivi l’acceptation de l’initiative Minder et sa mise en oeuvre. Je dirais qu’il y a actuellement un activisme actionnarial de la part de quelques grandes institutions qui est devenu beaucoup plus visible lors de certaines assemblées générales. Toutefois – à l’exception de quelques caisses de pension notamment publiques qui mettent vraiment l’accent sur cette thématique –, la question de l’exercice des droits de vote lors des AG ne me paraît pasêtre la priorité pour la majorité descaisses de pensions aujourd’hui.

Lire l’article:

 

Trois spécialistes de la LPP débattent ici des enjeux à venir de la prévoyance professionnelle en Suisse:baisse du taux de conversion, allongement de l’espérance de vie, le nouvel article 1e OPP2 (en vigueurdepuis 2015), réglementation toujours plus étoffée et transformation numérique.

 

Comment expliquez-vous la frilosité des RH en termes de LPP?

David Pittet: Le deuxième pilier se complaît dans une image de complexité. Le sujet est difficile à vendre.Proposez une augmentation de salaire de 500 francs et les gens vous comprendront tout de suite. Maisversez 500 francs dans leur caisse de pensions et l’effet ne sera pas le même. Il y a quelques années, j’aiété sollicité par le CRQP (centre de formations RH du CRPM, ndlr), pour mettre en place une formation surla prévoyance professionnelle. Ils ont dû l’annuler, faute de par ticipants (sourire).23/04/2021 «Le deuxième pilier se complaît dans une image de complexité» https://hrtoday.ch/fr/print/4504552 2/5 

Judith Granat: Cette frilosité s’explique aussi par le peu d’intérêt exprimé par les employés. L’échéance de laretraite semble lointaine; avant 40 ans, voire même 50 ans, peu d’assurés s’inté ressent concrètement ausujet. Phénomène au quel s’ajoute un manque d’information et une certaine défiance par rapport à la LPP,qui n’est plus tout à fait adaptée aux nouvelles formes de travail.

David Pittet: J’ajouterai que les comparaisons sont difficiles dans ce domaine. Comparer deux plans depension est quelque chose d’extrême ment complexe, cela exige souvent l’intervention d’un spécialiste.

Michael Bolt: Quelques semaines après le rejet par le peuple du projet «Prévoyance 2020» (en sep tembre2017, ndlr), j’ai donné un cours sur la LPP dans une école hôtelière. Les étudiants avaient 30 ans demoyenne d’âge, donc j’ai pensé que mon intervention n’intéresserait personne. Et bien j’ai eu le deuxièmescore de participation de la journée! Leur réaction a été extraordinaire et cela m’a rendu extrêmementoptimiste pour la suite. Si vous êtes en mesure de poser les choses simplement et pratiquement, les gensvous écoutent.

Donnez-nous des exemples où la LPP devient un argument pour fidéliser les employés…

Judith Granat: Certains employeurs offrent des prestations plus généreuses en comparaison d’autrescaisses de pension. Ils augmentent leur contribution patronale ou prennent en compte le taux d’activité dansl’application de la déduction de coordination, par exemple. Une plus grande souplesse au niveau de l’âge dedépart à la re traite contribue également à rendre les plans de prévoyance plus attractifs.

Vous ne parlez pas des possibilités de rachats et de l’aspect fiscal?

David Pittet: Ces deux éléments dépendent du ni veau de salaire. Dans l’hôtellerie par exemple, avec dessalaires relativement bas, ces arguments comptent peu.

Comment rester attractif dans un contexte de baisse progressive des rentes?

David Pittet: Dire que les rentes baissent n’est pas tout à fait juste. La rente faciale baisse, mais commel’espérance de vie augmente, la somme des prestations versées ne baisse pas forcément.

Le taux de conversion baisse par contre régulièrement depuis des années…

David Pittet: Absolument. Grosso modo, trois pa ramètres entrent en ligne de compte pour consti tuer unerente: les cotisations, le rendement sur les capitaux investis et la longévité. En Suisse, nous avons décidé debloquer le paramètre «lon gévité» en fixant l’âge de la retraite à 65 ans. Les ajustements sont doncforcément portés sur les deux autres paramètres.

Michael Bolt: La baisse du taux de conversion vaut surtout pour les caisses qui font du sur -obligatoire. Dansune caisse comme Hotela, qui est proche du minimum LPP, nous sommes liés par le 6,8 de la loi (taux deconversion minimum en 2018, ndlr).

Et que pensez-vous du blocage du paramètre «âge»?

Michael Bolt: Les deux dernières personnes qui sont parties à la retraite chez Hotela avaient 70 ans. Et cescas de figure se multiplieront à l’ave nir. De plus en plus de personnes arrivent à la retraite en bonne santé etsouhaitent poursuivre une activité professionnelle, peut- être à temps partiel. En tant qu’employeur, cettesituation nous réjouit car nous avons toujours plus de peine à trouver des jeunes pour les remplacer à l’autrebout du pipeline.

Selon l’étude Swisscanto 2018, 60% des employés souhaitent prendre une retraite anticipée alorsque l’allongement de l’espérance de vie impliquerait plutôt qu’ils travaillent plus longtemps.Comment résoudre cette équation?

David Pittet: Les résultats de l’étude Swisscanto doivent être pris avec des pincettes. Ils ne men tionnent pasles motivations derrières ce désir exprimé de retraite anticipée. A t on à faire à des départs volontaires ouforcés? Toute cette ques tion est très complexe. Essayons de sérier un peu les choses. L’allongement de ladurée de vie que nous constatons depuis 1950 n’a pas d’équiva lent dans l’histoire de l’humanité. Et c’estplutôt une bonne nouvelle! Mais cet allongement va -t- il se poursuivre? Ou allons -nous vers un plafon nage,voire même un recul de l’espérance de vie, comme le prédisent certains observateurs? Ces questionsauront un immense impact sur nos prestations de prévoyance. Un jour ou l’autre, il faudra bien ajuster l’âgede la retraite à ces réali tés. L’employabilité des travailleurs âgés est l’autre grand enjeu. C’est un défi socialet poli tique. Les caisses de pension ne pourront pas ré soudre ces problèmes -là toutes seules.23/04/2021 «Le deuxième pilier se complaît dans une image de complexité» https://hrtoday.ch/fr/print/4504552 3/5 

Judith Granat: Oui, l’employabilité des per sonnes de plus de 55 ans est un enjeu politique et sociétal. Celane sert à rien d’augmenter l’âge de la retraite si les entreprises ne jouent pas le jeu. Car ce sera auxentreprises de veiller à ce que leurs employés restent en emploi. Ceci, no tamment par de la formationcontinue et la mise en place de conditions adaptées, temps partiel ou évolution des tâches par exemple, leurpermettant de poursuivre au -delà de l’âge de la retraite. Le monde du travail est devenu très exigeant, avecdes risques importants d’in validité, d’usure et de fatigue. Certaines per sonnes sont aussi dépassées par latechnologie.

Michael Bolt: Oui. Je constate aussi certains mo des de fonctionnement un peu rigides… J’ai 57 ans et j’aireçu dernièrement une convocation de la commune de Montreux pour un séminaire de préparation à laretraite. Pourquoi ne pas m’invi ter à réfléchir à une diminution de mon temps de travail, avec l’espoir de megarder jusqu’à 67, 68, voire 70 ans? Et ce n’est pas seulement une ques tion de responsabilité, c’est aussidans l’intérêt de notre économie. Ces employés seniors valent de l’or.

Qu’en est-il dans l’hôtellerie?

Michael Bolt: Nous devons composer avec un large éventail de métiers. Les cuisiniers, par exemple, ont uneespérance de vie inférieure à celle du bâtiment. C’est une profession très exi geante sur le plan de la santé.D’un autre côté, nous avons des concierges qui travaillent encore à 70 ans et qui sont en pleine forme. Ceserait donc un non- sens d’appliquer un modèle unique à tous les métiers.

Tout le monde parle aujourd’hui de l’article 1e OPP2, qui permet aux assurés de décider eux-mêmesleur stratégie d’investissement pour la part de salaire qui dépasse 126’900 francs. Qu’en pensez-vous?

David Pittet: Les «plans 1e», c’est de l’esbroufe. Il faut remettre cet article dans son contexte. Au début desannées 1990, nous avons assisté à une grande vague néolibérale. De cette époque date un rapport de labanque mondiale, inspiré par les années Reagan et Tatcher, qui prônait des sys tèmes de retraiteindividualisés. Quinze ans plus tard, ce modèle est arrivé en Suisse et nous avons donc ouvert en 2004cette porte du 1e. Qu’en est -il en réalité? D’un côté, cet article de loi per met aux entreprises multinationalessoumises aux normes IFRS (International Financial Re porting Stardards, ndlr) de «dérisquer» leurs plans depensions (voir aussi la réponse suivante de Michael Bolt, ndlr). De l’autre, cela permet à certains hautsrevenus, souvent conseillés par des fiscalistes pas toujours bien intentionnés, de faire de l’optimisationfiscale. Cela dit, l’élargisse ment des plans 1e a été accepté dans sa version actuelle avec la motion Graber,votée en 2015 à l’unanimité au Conseil national. La gauche a donc soutenu cette réforme, qui supprime lano tion de garantie de capital pour ces plans, comme un seul homme, sans probablement en com prendrel’enjeu.

Le 1e concerne combien d’assurés en Suisse ?

David Pittet: A peu près 6000 personnes en 2016.

Michael Bolt: Oui, ces plans 1e sont bons pour les banquiers mais mauvais pour la prévoyance. Etpermettez- moi une explication par rapport au derisking que David Pittet a mentionné plus haut. En droitsuisse, la caisse de pension est sé parée du bilan de l’entreprise, alors qu’aux Etats Unis elle y est incluse.Donc aux Etats Unis, en cas de faillite, la caisse de pension part aussi en fumée. Et comme les normesinternationales se fichent des normes suisses, ces plans 1e sont un moyen pour les sociétés établies enSuisse de di minuer l’engagement de leurs caisses de pension et d’optimiser leur reporting international. Poli -tiquement, je trouve que cette tendance est suici daire car elle va progressivement supprimer la solidaritéentre l’employeur et l’employé. C’est un truc toxique qui ne touche qu’une minorité de privilégiés.

Judith Granat: Oui, je suis d’accord. Rappelons toutefois que les plans 1e ne concernent que les très hautssalaires. Donc cela exclut la grande majorité des employés. La personne qui choisit un plan 1e doit avoir lesreins solides. Si la bourse venait à s’effondrer, elle doit être en mesure d’at tendre que tout cela remonte. Letiming est donc crucial. S’engager dans un plan 1e quelques an nées avant la retraite peut êtrecatastrophique.

Imaginez aussi que l’employé change d’entre prise, il pourrait être obligé de retirer ses avoirs de vieillesseau pire moment. On peut donc sérieuse ment se demander si cet argent ne serait pas mieux dans un plansur- obligatoire généreux.

David Pittet: Je le répète, le 1e n’est pas de la pré voyance au sens strict. Du côté de l’assuré, c’est del’épargne défiscalisée. A mon avis, les plans 1e devraient être plafonnés à 4 fois le salaire annuel médian(soit un salaire cotisant d’environ 300’000 à 350’000 francs). Cela dégonflerait la bulle et mettrait un terme àce «cirque».23/04/2021 «Le deuxième pilier se complaît dans une image de complexité» https://hrtoday.ch/fr/print/4504552 4/5 

Quels conseils donneriez-vous à une entreprise qui souhaite changer de caisse?

Judith Granat: D’abord de demander plusieurs offres. Les indicateurs à observer sont le nombre d’employés,la hauteur des salaires, la fortune et le nombre de rentiers. Cela impactera le choix d’un prestataire potentiel.La taille, la solidité et la réputation de l’institution de prévoyance sont également des éléments déterminantsà prendre en compte.

Michael Bolt: Outres ces éléments objectifs, je mettrais l’accent sur la qualité de l’organisation et latransparence de l’information.

Comment le faire?

Michael Bolt: En étudiant de près l’organi gramme de la caisse de pension. Qui sont les in tervenants? Y a -t- ildes sociétés qui retirent des bénéfices de certaines activités et qui ne sont pas visibles d’emblée? Leprésident du conseil de fon dation est- il aussi le propriétaire d’une société anonyme qui fait des placements…Cela existe. Et au niveau de la transparence: Qu’est- ce qui est publié? Les rapports de révision sont -ilsconsultables?

Quelle est votre analyse de la réglementation de plus en plus poussée qui touche les caisses depension?

David Pittet: Globalement, je déplore cette situa tion. Le problème de la Suisse est le suivant: nous sommesun peuple plutôt bienveillant et notre Code pénal le reflète bien. En revanche, nous avons de la peine etnous sommes très lents à sanctionner. Nous l’avons encore vu récemment dans le canton de Fribourg. Lesorganes du Fonds de prévoyance de l’ACSMS ont manifestement failli puisqu’ils ont permis en 2014 uneperte de plus de 50 millions de francs et la faillite du fonds. Et lors du volet pénal, ils ont tous été disculpés!Pour ma part, je suis favorable à une législation plus légère, mais j’attends des sanctions extrême mentfortes en cas de comportements délictueux.

La transformation numérique touche aussi la LPP. Neosis, filiale d’Elca, propose par exemple laplateforme iPension, qu’en pensez-vous?

Judith Granat: Retraites Populaires a développé cette solution de gestion de la prévoyance professionnelleen partenariat avec Elca. iPension permet au jourd’hui de simplifier, d’harmoniser et de digita liser notregestion administrative et d’informer plus clairement les assurés de leur situation de prévoyance.

L’idée de cette plateforme est de réduire les coûts de gestion, est-ce bien juste? David Pittet: Cela fait quarante ans qu’on nous dit que l’informatique va permettre de réduire les coûts, onattend toujours les résultats (sourire).

Judith Granat: La transformation numérique est en marche dans tous les domaines de l’assurance. Lesplateformes comme iPension sont donc une nécessité. Et au -delà du fonctionnement interne des caisses,c’est le lien avec les assurés et les as sureurs, qui est en train d’être complètement démocratisé.

Michael Bolt: Hotela a investi dans la plateforme iPension. Et nous croyons fortement à la philo sophie du«one stop shop» qui sous -tend cette plateforme. J’en constate d’ailleurs déjà les pre miers effets dans notreentreprise. Précisons tout d’abord que la digitalisation ne se réduit pas au scannage des documents. Ladigitalisa tion transforme le lien entre l’employeur affilié et notre assurance sociale car nous utilisonsdésormais le même outil. Donc l’employeur voit sur son écran l’avancement du travail chez Ho tela àMontreux. Et cela implique une dyna mique dans la relation entre l’employeur et l’assurance sociale quin’existait pas à l’époque. Nous sommes entrés dans autre monde. Et cela a un effet sur l’organisation car lesdonnées di gitales circulent beaucoup plus vite et en ré seau. Ce n’est donc plus possible de traiter cesdonnées à satisfaction avec une structure hiérarchique. Vous êtes obligé de déléguer beau coup plus etd’aplatir les hiérarchies. Au jourd’hui, les impulsions majeures de cette transformation viennentprincipalement de nos clients. Ce sont eux qui travaillent tous les jours avec notre outil et c’est donc eux quinous appellent pour proposer des nouvelles fonction nalités.

Texte: Marc Benninger. Rédacteur en chef de la versionfrançaise de HR Today depuis 2006.


 

AGEFI – Octobre 2017
Par David Pittet
Directeur général, Pittet Associés SA

Ainsi le peuple a-t-il parlé, et ça sera non. Un non claquant, qui sonne comme un désaveu pour le ministre Alain Berset, qui n’avait pourtant pas ménagé ses efforts pour essayer de faire aboutir un projet raisonnable et équilibré. Une alliance improbable de l’UDC, du PLR et d’une partie de la gauche, notamment la plus extrême, en a voulu autrement, empêchant à une faible majorité une réforme qui aurait fourni dix à quinze ans de « respiration » au système suisse de retraite. Alors, oui, c’est bien un « dimanche noir » pour le peuple suisse, de la même noirceur que celle qu’évoquait, un dimanche de 1992, un certain Jean-Paul Delamuraz.

Réformer un système de pensions n’est pas une chose facile, à aucun moment, dans aucun pays. Ça l’est apparemment d’autant moins quand une telle réforme doit être soumise, de manière quasi systématique, au scrutin populaire, tant la technicité du sujet, l’horizon temporel en jeu, l’influence de facteurs extérieurs peuvent rendre la votation si complexe, que le citoyen, aussi bienveillant qu’il puisse être, s’en retrouve à voter «avec les tripes». Mentionnons préalablement deux évidences, que l’on a peut-être trop souvent oubliées au cours de cette campagne:

• Le premier fait est de rappeler que, dans le contexte actuel (longévité, structure démographique, rendements financiers), cela va de toute façon coûter toujours plus cher, à moins de procéder à des baisses régulières et drastiques des prestations, ce que le peuple a toujours refusé. De ce point de vue, l’affirmation d’une gauche populiste prétendant que «demain, on rasera gratis» est fallacieuse et n’a pas contribué à la hauteur du débat.

• Ensuite, (faire) croire que l’on puisse imaginer une réforme qui sera «éternelle», et qui puisse résoudre les problèmes de manière définitive, est parfaitement illusoire. Il va falloir se préparer désormais à (re)mettre l’ouvrage de la réforme des retraites sur le métier tous les dix ou quinze ans. Quand Benoit Genecand (PLR) prétendait au soir même de la votation sur les ondes de la RTS, qu’on allait «faire une réforme qui assainirait une fois pour toute le système», c’est tromper effrontément la population, et de manière un peu irresponsable. Aucune réforme ne peut assainir le système à long terme, ou alors son coût serait tellement prohibitif aujourd’hui qu’il enterrerait de lui-même le projet.

La réforme d’Alain Berset n’était surement pas idéale, elle était sans doute compliquée, mais elle présentait un paquet équilibré, qui aurait dû permettre de faire «avaler» au peuple deux pilules amères: l’âge de la retraite des femmes et le taux de conversion. La posture du PLR, qui s’est braqué définitivement sur la question des Fr. 70.- supplémentaires dans l’AVS, reste incompréhensible et représentera peut-être une rupture dans l’histoire politique de la Suisse moderne: le parti de la révolution radicale qui abandonne son rôle historique et se révèle le fossoyeur d’un compromis somme toute «bien helvétique».

Vers un projet Berset bis?

Dès lors, que faire? A la télévision suisse-alémanique, alors que les présidents des partis bourgeois promettent un nouveau projet avant les élections fédérales de 2019, Alain Berset rappelle que chaque projet de réforme par le passé a demandé cinq à six ans de travaux préparatoires. Le prétendu plan B du PLR n’en est pas vraiment un. Envisager d’assainir («une fois pour toute»!) l’AVS, notamment en augmentant l’âge de la retraite des femmes, voire en «flexibilisant» la retraite de tout le monde, sans toutefois envisager de compensation sérieuse, semble être voué à un échec irrémédiable devant le peuple. Et le temps commence sérieusement à compter, dans la mesure où l’AVS est entrée dans une zone de déficit structurel de répartition. Alors quoi? Finalement, face à la contrainte du fond AVS qui se vide, un projet Berset bis, auquel on aura fait quelques ajustements de façade pour ne pas perdre la face, et auquel finalement se ralliera le PLR?

Pour le 2e pilier, la problématique n’est pas moins urgente, ni moins complexe, même si les institutions de prévoyance enveloppantes ont pu prendre des mesures d’ajustements sans attendre de changements légaux. Leur marge de manoeuvre s’est néanmoins considérablement réduite! Les caisses de pensions qui appliquent le minimum LPP, quant à elles, peuvent être mises dans des situations très difficiles, notamment si leur structure démographique est défavorable. C’est donc, le cas échéant, le Fonds de garantie qui assumera d’éventuels dommages issus des retards de la réforme institutionnelle. Une question lancinante se pose néanmoins: pendant combien de temps les assurés vont-ils accepter de voir leurs prestations baisser, parfois drastiquement, sans avoir de perspectives claires sur la durabilité du système. La confiance dans le 2e pilier pourrait être mise à rude épreuve!

Les Suisses aiment bien se gausser des Français et de leur prétendue incapacité à se réformer. La Suisse est aujourd’hui un des derniers pays d’Europe occidentale à ne pas avoir entrepris de réforme sérieuse de son système de retraite. Alors certes, le système suisse disposait de réserves et d’un peu de marge, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Il faudra donc bien qu’un compromis helvétique sorte un jour des urnes, et il n’est pas impossible qu’il ressemble finalement beaucoup à «Prévoyance 2020».

Lire l’article:

Verantwortlichkeit des Experten für berufliche Vorsorge

Aus einem neuen Bundesgerichtsurteil geht hervor, dass der Experte für berufliche Vorsorge bei einem Betrug im Zusammenhang mit der Vermögensverwaltung gleichermassen verantwortlich ist wie die Revisionsstelle. Damit weitet das Gericht die Verantwortlichkeit des Experten gemäss Art. 52 und 56a BVG massiv aus. Ergibt das Sinn?

IN KÜRZE – Für das Bundesgericht gehört es zu den Pflichten des Experten, zu kontrollieren, ob die Vermö- genswerte effektiv vorhanden sind. Es fragt sich, ob dies ange- bracht ist, und wo die Abgrenzung speziell zur Revisionsstelle ist.

Am 18. Dezember 2014 veröffentlichte das Bundesgericht im Rahmen der Affäre der Sammelstiftung «First Swiss Pension Fund» fünf Urteile über die Verantwortlichkeit der Organe einer Vorsorgeeinrichtung (VE) gemäss Art. 52 und 56a BVG. Im BGE 9C_248/2014 geht es insbesondere um die Verantwortlichkeit des Experten für die berufliche Vorsorge (nachstehend: PK-Experte). Da wir keinen direkten Zugriff auf das Dossier hatten, gehen wir hier nicht auf den Sachverhalt als solchen ein, sondern untersuchen die generellen Folgen dieses Urteils.

Die Rolle des PK-Experten

Die Aufgaben eines Organs können aus dem Gesetz und den dazugehörigen Ausführungsverordnungen, der Stiftungsurkunde und ihren Reglementen, aus den Entscheiden des Stiftungsrats, aus einem Vertrag oder den Weisungen der Aufsichtsbehörde (BGE 138 V 235,E. 4.1) hervorgehen. Unter anderem prüft der BVG-Experte periodisch, ob die VE jederzeit Sicherheit dafür bietet (Art. 65 BVG), dass sie ihre Verpflichtungen erfüllen kann und dass die reglementarischen versicherungstechnischen Bestimmungen den gesetzlichen Vorschriften entsprechen. Er unterbreitet dem obersten Organ Empfehlungen insbesondere über die technischen Grundlagen und die Massnahmen, die im Fall einer Unterdeckung einzuleiten sind (Art. 52e BVG).

Die Sicherheit (der Erfüllung der Vorsorgezwecke) muss in Würdigung der gesamten Aktiven und Passiven sowie der Struktur und der zu erwartenden Entwicklung des Versichertenbestands evaluiert werden (Art. 50 BVV 2).

Sachverhalt

Im erwähnten Urteil bestätigt das Bundesgericht die solidarische Verurteilung des PK-Experten zur Zahlung eines Betrags von 9.1 Mio. Franken (zuzüglich Zinsen) als Ersatz für einen Schaden, der insgesamt mit rund 33 Mio. Franken beziffert wird. Innerhalb dieser Sammelstiftung in der Gründungsphase hätte der PK-Experte unter dem Aspekt der Anlageorganisation das tatsächliche Vorhandensein einer Bankgarantie zwingend prüfen müssen (E. 6, 6.2.2). Die Bundesrichter werfen dem Experten ganz allgemein grobfahrlässige und schuldhafte Passivität vor (insbesondere E. 7). Hier geht es nicht darum, die an sich nachgewiesene Passivität des PK-Experten zu erörtern. Vielmehr wollen wir verstehen, wie das Bundesgericht aufgrund eines Elements, das zur materiellen Vermögenskontrolle gehört und damit spontan betrachtet eher der Revisionsstelle obliegt, zu diesem Schluss kommt.

Der PK-Experte als Verantwortlicher der Anlagestruktur

Aus einer in dieser Publikation im Jahr 2010 veröffentlichten Meinung eines PK-Experten (eine unseres Erachtens fragwürdige und sicher ungenügende Basis!) leitet das Bundesgericht einen umfassenden Auftrag des PK-Experten ab, die Aktiv- und Passivseite der Bilanz gesamtheitlich und dynamisch zu prüfen. Darüber hinaus gilt es, dieser Aufgabe fortdauernd nachzukommen, da die VE jederzeit Sicherheit dafür bieten muss, dass sie ihre Verpflichtungen erfüllen kann. Daraus geht hervor, dass die Kontrollen des PK-Experten selbstbestimmt (sua sponte), ohne Aufforderung der VE oder der Aufsichtsbehörde geboten sein können (E. 6, 6.1.5).

Wir stellen deshalb fest, dass die Erwägungen des BG nicht vollumfänglich mit der geltenden Praxis übereinstimmen und eine Reihe konkreter Probleme aufwerfen:

  1. die Tragweite der Rolle (und damit der Verantwortlichkeit) des PK-Experten für die Aktivseite der Bilanz, die unseres Wissens im Gesetz nicht direkt festgelegt ist;
  2. der spontane Charakter einer Intervention ohne Aufforderung des Auftraggebers im Rahmen eines vertraglichen Auftrags (Art. 394ff OR), der den üblichen formalen Rahmen für die Beziehung zwischen der VE und ihrem PK-Experten bildet;
  3. der Auftrag zur «Prüfung/.berprüfung/ Kontrolle» des PK-Experten. Im Lauf der gesetzgeberischen Entwicklung kommt es zu einem Bedeutungswandel, der von wiederholten Analogieschlüssen aus der Rolle der Revisionsstelle gemäss Obligationenrecht beeinflusst wird.

Natürlich verlangen wir keine zusätzliche Regulierung! Wir müssen aber feststellen, dass die aktuelle normative Basis für die Definition der Rolle des BVGExperten in Bezug auf die Kontrolle der Vermögensstruktur ungenügend ist. Sie lässt den Gerichten einen (zu grossen?) Interpretationsspielraum. Da es im konkreten Fall darum geht, dass weitgehend der Richter das Werturteil fällt, ob ein Verhalten fahrlässig ist (BGE 128 V 124,E. 4e), müssen wir uns fragen, ob die Aufgabe des PK-Experten nicht besser geschützt werden sollte.

Zu klärende Fragen

Wie die Dinge heute stehen, müssen wir die Tragweite dieses Entscheids für die Tätigkeit der PK-Experten und die möglichen praktischen Folgen hic et nunc anerkennen. Folgende Elemente bedürfen unseres Erachtens einer baldigen Klärung, ohne dass wir uns heute zur geeigneten Methode äussern wollen (Gesetz, Verordnung, Fachrichtlinien, OAK-Weisungen und so weiter):

  1. Interventionsbereich des PK-Experten im Zusammenhang mit der Bilanz-Aktivseite;
  2. Abgrenzung des Auftrags des PK-Experten gegenüber jenem der Revisionsstelle und des Finanzberaters;
  3. Verantwortlichkeit in Bezug auf das Asset- und Liability-Management;
  4. Modalitäten für selbstbestimmte Interventionen des PK-Experten und die Art der Entlohnung (da uns die Entlohnung im Stundenlohn in dieser Situation kaum möglich scheint);
  5. fortdauernder Charakter der Aufgabe des PK-Experten.

Fazit

Die durch dieses jüngst ergangene Urteil aufgeworfenen Fragen sind komplex. Sie könnten zu einer für den Berufsstand schädlichen Unsicherheit führen. In einem Umfeld, in dem die Zahl der Regelungen und der Preisdruck rapide zunehmen und die Arbeit des PK-Experten immer schwieriger wird, müssen sie schnell behandelt werden. Die Berufsverbände der Aktuare und der Pensionskassen sollten sich damit befassen. In einem anderen jüngst aufgeworfenen Fall geht es aller Wahrscheinlichkeit nach um die betrügerische Entwendung eines grossen Teils des Vermögens einer halbstaatlichen Freiburger Gemeinschaftsstiftung. Die strikte Anwendung gewisser Prinzipien aus diesem Entscheid über die Rolle des PK-Experten in der Vermögensaufsicht könnte die betroffenen Experten in grosse Schwierigkeiten bringen, selbst wenn sie ihre Aufgabe in Bezug auf die Passivseite der Bilanz getreu und sorgfältig erfüllt haben. Entspricht das dem Willen des Gesetzgebers?


Responsabilité de l’expert en prévoyance professionnelle

Un récent arrêt du Tribunal fédéral juge l’expert en matière de prévoyance professionnelle responsable, dans la même mesure que l’organe de révision, dans une situation frauduleuse liée à la gestion de la fortune et étend de manière conséquente la responsabilité de l’expert au sens des art. 52 et 56a LPP. Est-ce bien raisonnable?

EN BREF – Pour le Tribunal fédéral, l’expert a l’obligation de contrôler la disponibilité effective des actifs. La question se pose de savoir si cela est opportun et où se situe la délimitation, en particulier par rapport à l’organe de révision.

Le Tribunal Fédéral a publié, le 18 décembre 2014, cinq arrêts relatifs à la responsabilité des organes d’une IP au sens des art. 52 et 56a LPP dans l’affaire de la fondation collective «First Swiss Pension Fund». L’un d’eux (9C_248/2014) traite en particulier de la responsabilité de l’expert en matière de prévoyance professionnelle (ci-après: expert LPP). Nous n’aborderons pas ici le fond du problème, n’ayant pas eu accès direct à ce dossier, mais analyserons plus particulièrement la portée générale de cet arrêt.

Le rôle de l’expert LPP

Les attributions d’un organe peuvent découler de la loi et de ses ordonnances d’exécution, de l’acte de fondation et de ses règlements, des décisions du Conseil de fondation, d’un rapport contractuel ou encore des directives de la surveillance (ATF 138 V 235, csd. 4.1). En particulier, l’expert LPP examine périodiquement la capacité de l’IP à remplir en tout temps (art. 65 LPP) ses engagements et la conformité des dispositions réglementaires de nature actuarielle, et il soumet des recommandations à l’organe suprême concernant notamment les bases techniques et les mesures à prendre en cas de découvert (art. 52e LPP). La sécurité (de la réalisation des buts de prévoyance) doit être évaluée spécialement en tenant compte de la totalité des actifs et des passifs, ainsi que de la structure et de l’évolution future prévisible de l’effectif des assurés (art. 50 OPP 2).

Les faits

Dans l’arrêt dont il est question, le TF confirme la condamnation solidaire de l’expert LPP à verser une somme de CHF 9.1 mio (plus intérêts) en réparation des dommages, estimés à un total d’environ CHF 33 mio. Au sein de cette fondation collective naissante, l’expert LPP aurait dû impérativement [zwingend], dans le cadre de l’organisation des placements, vérifier l’existence effective d’une garantie bancaire (csd. 6., 6.2.2). Les juges fédéraux reprochent d’une manière générale à l’expert une grande passivité, relevant d’après le TF de la négligence et de la faute (en particulier csd. 7.).

Il ne s’agit pas ici de discuter de la passivité de l’expert LPP, qui semble avérée, mais plutôt de comprendre pourquoi le TF est arrivé à cette conclusion sur la base d’un élément qui relève du contrôle matériel de la fortune, tâche qu’intuitivement on attribuerait plutôt à l’organe de révision.

L’expert LPP comme responsable de la structure des placements

Sur la base d’une opinion émise dans cette revue par un expert LPP en 2010 (base doctrinale qui nous semble questionnable, et certainement insuffisante!), le TF déduit une mission générale d’examen pour l’expert LPP de l’ensemble des actifs et des passifs, dans une approche dynamique. En outre, cette tâche doit s’exercer de manière permanente, puisque l’IP doit offrir en tout temps la garantie de remplir ses engagements. De cela dérive que les contrôles de l’expert LPP puissent intervenir sans y être sollicité (par l’IP ou l’autorité de surveillance), selon sa propre décision [sua sponte] (csd. 6., 6.1.5).

Force est de constater que les considérants du TF ne correspondent pas tout-à-fait à la pratique actuelle et posent en l’occurrence plusieurs problèmes concrets, parmi lesquels:

  1. a. celui de l’étendue du rôle (et donc de la responsabilité) de l’expert LPP sur l’actif du bilan qui, à notre connaissance, n’est pas directement défini dans la loi;
  2. b. celui du caractère spontané d’une intervention, sans y être formellement sollicité par le mandant, dans le cadre d’un contrat de mandat (art. 394ss CO), qui est le lien formel usuel entre l’IP et son expert LPP;
  3. c. celui de la mission de «contrôle» [Prüfung, Überprüfung, Kontrolle] de l’expert LPP, dans la mesure où l’on assiste, au fil des évolutions législatives, à un glissement sémantique, influencé par des analogies répétées au rôle de l’organe de révision au sens du Code des obligations.

Sans vouloir réclamer de régulation supplémentaire – Dieu nous en garde! –, nous devons néanmoins constater que la base normative actuelle pour définir le rôle de l’expert LPP quant au contrôle de la structure de la fortune est insuffisante et laisse un champ d’interprétation (trop?) important aux tribunaux. Dans la mesure où déterminer, dans un cas concret, si un comportement est négligent relève d’un jugement de valeur et repose largement sur l’appréciation du juge (ATF 128 V 124, csd. 4e), il faut se demander si la mission de l’expert LPP ne mériterait pas en l’occurrence d’être mieux protégée.

Questions à clarifier

A ce stade, il convient de reconnaître la portée importante de cet arrêt pour la pratique des experts LPP et les conséquences pratiques qu’il peut avoir hic et nunc. Les éléments suivants devraient à notre sens rapidement être clarifiés, sans nous prononcer à ce stade sur la méthode à adopter (loi, ordonnance, directives professionnelles, directives CHS, etc.):

  1. le périmètre d’intervention de l’expert LPP par rapport à l’actif du bilan;
  2. la délimitation de la mission de l’expert LPP avec celle de l’organe de révision et du conseiller financier;
  3. la responsabilité de la gestion de la congruence actifs-passifs (étude ALM);
  4. les modalités de l’intervention spontanée de l’expert LPP et, par conséquent, son mode de rémunération (dans la mesure où la rémunération horaire habituelle nous semble difficilement praticable dans cette situation);
  5. le caractère permanent [fortdauernd] de la mission de l’expert LPP.

Conclusion

Les questions soulevées par cette jurisprudence récente ne sont pas triviales et pourraient créer une insécurité dommageable à la profession, si elles ne sont pas traitées rapidement, à une époque où l’inflation normative et la forte pression sur les prix rendent la pratique du conseil en prévoyance professionnelle toujours plus difficile. Les associations professionnelles – celles d’actuaires aussi bien que celles représentant les caisses de pensions – devraient s’en préoccuper.

Dans une autre situation récente, caractérisée selon toute vraisemblance par la disparition frauduleuse d’une bonne partie de la fortune d’une fondation commune du secteur parapublic fribourgeois, l’application stricte de certains principes énoncés dans cet arrêt sur l’implication de l’expert LPP dans la surveillance de la fortune pourrait poser de sérieuses difficultés aux experts concernés dans ce dossier, même dans l’hypothèse où ils ont agi de manière fidèle et diligente dans leur mission relative au passif du bilan. Est-ce bien la volonté du législateur?

Lire l’article:

Alain Berset a proposé un relèvement à 65 ans de l’âge de la retraite des femmes et un abaissement du taux de conversion des caisses de prévoyance. Jean-Daniel Delley estime qu’il faut rééquilibrer le système en faveur de l’AVS, qui verse des montants ne correspondant pas au mandat constitutionnel. David Pittet lui répond que le système actuel est «globalement efficace».

dans Plaidoyer – 22.1.2013

Plaidoyer: Les objectifs fixés à l’AVS par la constitution fédérale -soit couvrir les besoins vitaux grâce à l’assurance-vieillesse et «maintenir de manière appropriée son niveau de vie antérieur»- sont irréalistes vu le niveau actuel des rentes (entre 1170 et 2340 fr. en 2013) et le coût de la vie en Suisse. Certains retraités ne touchant que l’AVS, dont notamment lesveuves de petits indépendants, doivent vivre à la limite de la pauvreté et économiser chaque sou. N’est-il pas temps de réformer ce système en améliorant ce premier pilier de manière significative?

David Pittet: C’est le problème de la cigale et de la fourmi! Le fait den’avoir droit qu’à la seule rente AVS à la retraite relève de choix réalisés à un moment de la vie, comme d’avoir été indépendant sans cotiser au deuxième pilier, ou d’être parti à l’étranger, ou d’avoir travaillé à temps très partiel, ou encore d’avoir retiré son deuxième pilier pour acquérir un logement. Grâce au système des trois piliers prévus par la Constitution fédérale, on est parvenu en moins de deux cent ans (les premières caisses de pension du secteur public en Suisse datent des années 1820) à quasiment éradiquer le paupérisme des retraités dans notre pays. Ce système s’est bâti par briques successives, il possède un équilibre intrinsèque et peut être qualifié aujourd’hui de globalement efficace, car il a atteint ses buts. Ce fait est remarqué sur le plan international. Il remplit donc les fonctions pour lesquelles il a été dessiné, à de rares exceptions près (par exemple, les indépendants possédant leur propre logement et n’ayant donc pas droit aux prestations complémentaires AVS/AI), qu’il ne faut certes pas négliger, mais on ne peut pas construire un système social sur la base de rares exceptions qui «se trouvent dépourvues quand l’hiver est venu…». On ne peut tout de même pas bâtir une politique sociale pour les possesseurs d’immeubles!

Jean-Daniel Delley: Le système des trois piliers s’est certes construit petit à petit et c’est un bricolage qui est une spécificité helvétique, mais je suis favorable à un rééquilibrage au profit du premier pilier, car les montants de la rente AVS, aujourd’hui encore, ne correspondent pas au mandat constitutionnel de couverture des besoins vitaux. Si l’on examine le montant des rentes AVS prévu par le projet NAVOS (Nachhaltige Altersvorsorge Schweiz – projet présenté par les économistes zurichois Ernst A. Brugger et René L. Frey, Verlag NZZ ndlr.)…

David Pittet: Attention! Vous citez un projet de réforme d’origine néo-libérale, qui, outre l’aspect de l’AVS, met en avant un système de retraite individualisé…

Jean-Daniel Delley: Je n’ai pas d’a priori. Ce projet de réforme prévoit une rente AVS allant de 24’000 à 30’000 fr. par an, soit au moins 2000 fr. par mois. Avec l’accumulation de l’épargne prévue actuellement par le deuxième pilier, nous ne sommes pas loin d’aboutir à une bulle spéculative car le magot de la LPP ne cesse de croître. D’énormes fortunes sont amassées au nom du deuxième pilier (on parle d’un peu plus de 600 milliards)…

David Pittet: Vous pouvez même articuler le chiffre de 700 à 800 milliards!

Jean-Daniel Delley: Avec l’augmentation fascinante du nombre d’emplois que connaît la Suisse actuellement, alors que certains de nos voisins européens tirent le diable par la queue, ce magot continue de croître car on ne sait plus où le placer, les obligations d’Etat ne rapportant plus rien. On le capitalise alors dans l’épargne, les actions ou l’immobilier. Il faudrait réduire la part du deuxième pilier pour faire place à une vraie rente AVS couvrant les besoins.

David Pittet: Sur le fond, faire que l’AVS remplisse le mandat constitutionnel, pourquoi pas? Il va de soi que si l’on se sent proche de l’idéal anticapitaliste, on a peine à défendre le deuxième pilier! Je ne me prononcerai pas ici sur l’épargne individuelle, soit le troisième pilier. Il faut bien voir que l’AVS est un système extrêmement solidaire, puisque chaque personne résidant ou travaillant en Suisse est assurée et peut ainsi bénéficier de ses prestations, certes plafonnées à un niveau relativement bas, alors que son financement porte sur l’ensemble des revenus de chacun, sans limites vers le haut. Ce système fonctionne et n’est pas remis en question. Faut-il vouloir trop l’étendre et risquer ainsi de remettre en question cette solidarité? Passer la rente AVS simple de 2000fr. environ à 4000fr. aurait des coûts très importants. Je crains que bouger de manière importante une brique fondamentale de l’édifice ne fragilise l’ensemble du système.

Plaidoyer: La société a connu de profondes modifications au cours des soixante dernières années. Ce seul élément ne plaide-t-il pas en faveur d’une réforme du système des retraites?

David Pittet: Il est vrai que les systèmes sociaux n’ont pas été bâtis pour une société de plus en plus individualiste, mais à la base pour des familles unifiées, où les parents élèvent ensemble leurs enfants et travaillent sans interruption au moins jusqu’à 65 ans. Nous sommes actuellement confrontés à une montagne d’arrêts des tribunaux portant sur le soutien dû au partenaire dans le cadre d’un «couple non-conventionnel »: là encore, pourquoi pas, mais il faut être conscient que ces dépenses supplémentaires finissent par fragiliser le système. Alors augmenter aujourd’hui l’AVS pour, parallèlement, remplacer le 2e pilier par un système de prévoyance individualisé, en suivant les recommandations de la Banque Mondiale (1994) et à la manière du Chili sous le Général Pinochet, me paraît risqué!

Jean-Daniel Delley: Historiquement, il faut relever que les institutions de prévoyance, que vous représentez, ont toujours voulu réduire l’AVS à portion congrue, de manière à disposer de plus de moyens pour leur propre assurance. Je ne suis pas un anticapitaliste primaire et au début des années 1980, Domaine public a milité contre l’initiative du Parti du Travail qui préconisait une rente unique au détriment du 2e pilier. Mais je pense qu’il faut faire attention aux dysfonctionnements de cette assurance car ils peuvent amener une partie de la population à s’en désolidariser. Par exemple, est-il normal que je touche une rente ne correspondant pas à la capitalisation que j’ai faite, mon fils enseignant participant actuellement à la financer?

David Pittet: Je ne vois pas en cela de problème, puisque c’est le système financier choisi par la caisse des fonctionnaires de l’Etat de Genève, qui s’appelle la «capitalisation partielle» et qui est expressément autorisé par la LPP pour les institutions publiques. Le financement partiel de votre rente par la répartition ne pose pas de problème de principe, si l’équilibre financier de la caisse est respecté à long terme…

Jean-Daniel Delley: Sauf si l’on m’a fait des promesses qui ne sont pas financées. Il y a certes eu beaucoup de changements sociologiques en soixante ans, mais j’ai le sentiment que le système du 2e pilier maintient une certaine dépendance à l’entreprise alors que la mobilité des salariés est plus forte, qu’il existe des inégalités importantes entre les prestations offertes par les caisses, que leur gestion est marquée par une certaine opacité. D’autres problèmes sont liés à leur efficacité: va-t-on continuer longtemps à jouer avec 2000 et quelques caisses différentes? Cela pose le problème des coûts de gestion dont vivent près de 30’000 gestionnaires! Sans parler des conflits d’intérêts de la part de gestionnaires qui placent cet argent et sont impliqués dans les entreprises où ces fonds sont injectés…

Plaidoyer: Beaucoup d’argent semble en effet remplir les poches des gestionnaires des caisses, qui en réclament toujours plus au motif que les pensions ne pourront pas être versées aux futurs rentiers. Ne partagez-vous pas ce sentiment, M. Pittet?

David Pittet: Les remarques de M. Delley sont pertinentes, mais je suis personnellement plutôt satisfait qu’il y ait de l’emploi créé par la gestion des caisses de pensions! Historiquement, le grand nombre de caisses est lié en partie au fait qu’une grande partie des coûts était assumée par les employeurs. Par ailleurs, bien sûr que certaines personnes ont gagné de l’argent de manière pas très morale et certaines fortunes se sont faites sur ce dos-là, mais globalement le système a bien fonctionné et des corrections sont en train d’être apportées à ce problème.

Jean-Daniel Delley: Entre trois ou quatre caisses et 2350, il y a peut-être un juste milieu à trouver!

David Pittet: Je pense que la concentration va se poursuivre naturellement et que l’on devrait voir à terme le nombre de caisses de pensions tomber aux alentours de 1000. Notre vision est de favoriser les caisses de pensions de branche, qui augmentent la pérennité de l’institution et facilitent la mobilité des travailleurs (dans le secteur du bâtiment, par exemple, cela fonctionne de manière exemplaire). Le problème est que le 2e pilier a vécu durant quinze ans un «âge d’or» avec des rendements très importants qui ont peut-être contribué à masquer certains problèmes de fond. Maintenant, alors que la marée s’est retirée, on voit que certaines caisses sont en effet «un peu nues»…

Plaidoyer: Venons-en au projet du conseiller fédéral socialiste Alain Berset. Trouvez-vous normal d’augmenter à 65 ans l’âge de la retraite des femmes, alors que celles-ci assument encore en majorité le travail à la maison et avec les enfants, sans être aucunement dédommagée pour cette fatigue qui s’ajoute à celle de leur travail professionnel, pour leurs bas salaires dus au temps partiel et pour les rentes LPP réduites qui en découlent?

David Pittet: Les femmes vivent en moyenne cinq à six ans de plus que les hommes, malgré la double charge que vous mentionnez. Et nous connaissons un problème de rapport de dépendance de la population retraitée envers la population active. Ce rapport ne peut être réglé qu’en prenant compte la différence de la durée de vie entre hommes et femmes. C’est un ratio amené à évoluer: si l’espérance de vie est de 80 ans, la retraite doit être fixée à 65 ans; si l’espérance de vie passe à 85 ans, il faut logiquement adapter l’âge où l’on cesse de travailler, car la hausse de la durée de vie a été massive! J’ajouterais que tant au niveau de l’AVS, avec les rentes de veuves et la bonification pour tâches éducatives, qu’à celui du 2e pilier qui connaît des transferts importants en cas de divorce, le côté redistributif des assurances sociales est en général favorable aux femmes, et c’est très bien ainsi.

Jean-Daniel Delley: Il faudrait mieux prendre en compte la durée des cotisations qu’on ne le fait actuellement et apporter plus de flexibilité au système. Aux Etats- Unis, si vous avez la santé à 70 ans, vous pouvez continuer à travailler. Ici, si quelqu’un a commencé à travailler à 16 ans, il n’est pas normal de ne pas en tenir compte en fixant son droit à la retraite.

Plaidoyer: Comment jugez-vous plus globalement les grandes lignes du projet du Conseil fédéral?

Jean-Daniel Delley: Le positifdans ce projet est d’avoir une vision générale et de ne plus se borner à dire qu’il faut abaisser le taux de conversion. Pédagogiquement, cette approche était très mauvaise car les gens pensent immédiatement qu’on s’en prend à leurs retraites. On peut, avec ces différentes propositions (âge de la retraite des femmeIs, taux de conversion, flexibilisation de l’âge de la retraite), ficeler des paquets qui assureront un certain équilibre global…

David Pittet: Je suis d’accord avec vous sur ce point: au niveau politique, cette approche offre une vision pour le futur. J’apprécie la volonté d’Alain Berset d’approcher le problème de manière global et ses orientations courageuses, vis-à-vis de son parti, s’agissant de l’âge de la retraite.

Propos recueillis par Sylvie Fischer

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